Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/34

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faudrait-il être un pharisien pour ne pas voir en lui une belle créature de Dieu. Cela dit, j’ai hâte d’en revenir à ses doctrines qui, seules, importent ici.

Ce qu’il avait le moins, c’était le sens de la vénération. La nature le lui avait refusé, et il ne fit rien pour l’acquérir. Il eût craint, en exaltant les uns, d’abaisser les autres, et sa charité universelle s’étendait également sur les humbles et sur les superbes. Elle se portait vers les victimes avec plus de sollicitude, mais les bourreaux eux-mêmes lui semblaient trop misérables pour valoir quelque haine. Il ne leur souhaitait pas de mal, et les plaignait seulement d’être méchants.

Il ne croyait pas que les représailles, ou légales ou spontanées, fissent autre chose qu’ajouter le mal au mal. Il ne se complaisait ni dans l’à-propos piquant des vengeances privées ni dans la majestueuse cruauté des lois, et, s’il lui arrivait de sourire quand on rossait les sergents, c’était