Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/68

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— Pour cela, dit rudement M. Coignard en dénouant les jolies mains agrafées à son épaule, je refuse net. Les promesses qu’on fait à une jolie fille n’engagent que la peau, et ce n’est point pécher que de s’en dédire. Ne comptez pas sur moi, la belle, pour tirer votre galant barbu des mains de l’official. Si je faisais un ou deux ou douze sermons, ce serait contre les mauvais moines qui sont la honte de l’Église et comme une vermine attachée à la robe de saint Pierre. Ce frère Ange est un fripon ; il fait toucher aux bonnes femmes, en guise de reliques, quelque os de mouton ou de cochon, qu’il a lui-même rongé avec une avidité dégoûtante. Il a porté, je gage, sur l’âne de M. La Perruque une plume de l’ange Gabriel, un rayon de l’étoile des mages et, dans une petite fiole, un peu du son des cloches qui sonnaient dans le clocher du temple de Salomon. Il est ignare, il est menteur et vous l’aimez. Ce sont là trois raisons pour qu’il me déplaise. Je vous laisse à juger, made-