Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/83

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temps j’en ferai un petit livre à la façon de l’Apokolokyntose de Sénèque le Philosophe ou de notre Satire Ménippée, qui est assez savoureuse. Cette façon légère et plaisante convient mieux à la matière que la roideur morose d’un Tacite ou que la gravité patiente d’un de Thou. Je ferais de ce libelle des manuscrits qu’on passerait sous le manteau, et l’on y verrait un mépris philosophique des hommes. Les gens en place, pour la plupart, en seraient fort irrités ; mais quelques-uns, je crois, goûteraient un secret plaisir à s’y voir couverts d’infamie. J’en juge par ce que j’ouïs dire à une dame de bonne naissance que je connus à Séez, du temps que j’y étais bibliothécaire de M. l’évêque. Elle était sur le retour et toute frémissante encore de ses débauches effrénées. Car il faut vous dire qu’elle avait été pendant vingt ans la meilleure haquenée de la province de Normandie. Et comme je l’interrogeais sur le plaisir qu’elle avait le plus vivement ressenti dans sa vie :