Page:Anatole France - Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue.djvu/178

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lageait point ni ne les opprimait davantage, afin qu’ils fussent toujours une menace et jamais un danger.

Ce prince pouvait compter sur l’armée : elle avait un bon esprit. L’armée a toujours un bon esprit ; toutes les mesures sont prises pour qu’elle le garde ; c’est la première nécessité de l’État. Car, si elle le perdait, le gouvernement serait aussitôt renversé. Le roi Christophe protégeait la religion. À vrai dire, il n’était pas dévôt, et, pour ne point penser contrairement à la foi, il prenait l’utile précaution de n’en examiner jamais aucun article. Il entendait la messe dans sa chapelle et n’avait que des égards et des faveurs pour ses évêques, parmi lesquels se trouvaient trois ou quatre ultramontains qui l’abreuvaient d’outrages. La bassesse et la servilité de sa magistrature lui inspiraient un insurmontable dégoût. Il ne concevait pas que ses sujets pussent supporter une si injuste justice ; mais