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Page:Anatole France - Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue.djvu/292

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charmantes, longues, minces et serpentines, ou rondes, drues, d’une splendeur massive, toutes également belles de désir et d’amour, ardentes et pâmées, se tordaient à ses pieds. Dans tout le hall, une foule frémissante de jeunes Américaines, de financiers israélites, de diplomates, de danseuses, de cantatrices, de prêtres catholiques, anglicans et bouddhistes, de princes noirs, d’accordeurs de pianos, de reporters, de poètes lyriques, d’impresarii, de photographes, d’hommes habillés en femmes et de femmes habillées en hommes, pressés, confondus, amalgamés, ne formaient qu’une seule masse adorante, au-dessus de laquelle, grimpées aux colonnes, à cheval sur les candélabres, pendues aux lustres, s’agitaient de jeunes et agiles dévotions. Ce peuple immense nageait dans l’ivresse : c’était ce qu’on appelait une matinée intime.

L’orgue se tut. Une nuée de femmes enveloppa le maître qui, par moments, en sortait à demi, comme un astre lumineux,