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du jour, dans des halliers épineux où sa monture se frayait difficilement un chemin sinueux et lent. Le diacre Modernus le suivait à grand’peine sur sa mule, qui portait le bagage.

Accablé de fatigue et de faim, l’homme de Dieu dit à Modernus :

— Arrêtons-nous, mon fils, et, s’il te reste un peu de pain et de vin, nous souperons ici, car je ne me sens guère la force d’aller plus avant, et tu dois, bien que plus jeune, être presque aussi las que moi.

— Monseigneur, répondit Modernus, il ne me reste ni une goutte de vin ni une miette de pain, car j’ai tout donné, par votre ordre, sur la route, à des gens qui en avaient moins besoin que nous.

— Sans doute, répliqua l’évêque, s’il était resté encore dans ton bissac quelques rogatons, nous les eussions pris avec plaisir, car il convient que ceux qui gouvernent l’Église se nourrissent du rebut des pauvres.