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Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/224

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LES DIEUX ONT SOIF

tant de beaux génies qui pensèrent autrement que vous.

— Vous vous trompez entièrement, monsieur, répliqua Longuemare. Je crois, au contraire, que rien ne saurait être tout à fait faux dans la pensée d’un homme. Les athées occupent le plus bas échelon de la connaissance ; à ce degré encore, il reste des lueurs de raison et des éclairs de vérité, et, alors même que les ténèbres le noient, l’homme dresse un front où Dieu mit l’intelligence : c’est le sort de Lucifer.

— Eh bien, monsieur, dit Brotteaux, je ne serai pas si généreux et je vous avouerai que je ne trouve pas dans tous les ouvrages des théologiens un atome de bon sens.

Il se défendait toutefois de vouloir attaquer la religion, qu’il estimait nécessaire aux peuples : il eût souhaité seulement qu’elle eût pour ministres des philosophes et non des controversistes. Il déplorait que les jacobins voulussent la remplacer par une religion plus jeune et plus maligne, par la religion de la liberté, de l’égalité, de la république, de la patrie. Il avait remarqué que c’est dans la vigueur de leur jeune âge que les religions sont le plus furieuses et le plus cruelles, et qu’elles s’apaisent en vieillissant. Aussi, souhaitait-il qu’on gardât le catholicisme, qui avait beaucoup dévoré de victimes au temps