Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
LES DIEUX ONT SOIF

l’amour et de la mort, que les Romains sculptaient sur leurs sarcophages.

Le cortège se rendit au cimetière Saint-André-des-Arts aux chants de la Marseillaise et du Ça ira.

En mettant le baiser d’adieu sur le front de Fortuné Trubert, Évariste pleura. Il pleura sur lui-même, enviant celui qui se reposait, sa tâche accomplie.

Rentré chez lui, il reçut l’avis qu’il était nommé membre du conseil général de la Commune. Candidat depuis quatre mois, il avait été élu sans concurrent, après plusieurs scrutins, par une trentaine de suffrages. On ne votait plus : les sections étaient désertes ; riches et pauvres ne cherchaient qu’à se soustraire aux charges publiques. Les plus grands événements n’excitaient plus ni enthousiasme ni curiosité ; on ne lisait plus les journaux, Évariste doutait si, sur les sept cent mille habitants de la capitale, trois ou quatre mille seulement avaient encore l’âme républicaine.

Ce jour-là, les Vingt et Un comparurent.

Innocents ou coupables des malheurs et des crimes de la République, vains, imprudents, ambitieux et légers, à la fois modérés et violents, faibles dans la terreur comme dans la clémence, prompts à déclarer la guerre, lents à la con-