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LES DIEUX ONT SOIF

Le président demanda à l’accusé s’il n’avait pas eu connaissance des lois rendues contre les émigrés.

— Je les ai connues et observées, répondit Maubel, et j’ai quitté la France muni de passeports en règle.

Sur les raisons de son voyage en Angleterre et de son retour en France, il s’expliqua d’une manière satisfaisante. Sa figure était agréable, avec un air de franchise et de fierté qui plaisait. Les femmes des tribunes le regardaient d’un œil favorable.

L’accusation prétendait qu’il avait fait un séjour en Espagne dans le moment où déjà cette nation était en guerre avec la France : il affirma n’avoir pas quitté Bayonne à cette époque. Un point seul restait obscur. Parmi les papiers qu’il avait jetés dans sa cheminée, lors de son arrestation, et dont on n’avait retrouvé que des bribes, on lisait des mots espagnols et le nom de « Nieves ».

Jacques Maubel refusa de donner à ce sujet les explications qui lui étaient demandées. Et, quand le président lui dit que l’intérêt de l’accusé était de s’expliquer, il répondit qu’on ne doit pas toujours suivre son intérêt.

Gamelin ne songeait à convaincre Maubel que d’un crime : par trois fois il pressa le président de demander à l’accusé s’il pouvait s’expliquer