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Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/260

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LES DIEUX ONT SOIF

Le citoyen Beauvisage fit observer à Delourmel que c’eût été plutôt au Comité de surveillance à arrêter cette marchande et à la conduire à la section ; que d’ailleurs on ne savait plus quelle conduite tenir à l’endroit du ci-devant culte, pour agir selon les vues du gouvernement, et s’il fallait ou tout permettre ou tout interdire.

En approchant de la boutique du menuisier, les délégués et le commissaire entendirent des clameurs irritées, mêlées aux grincements de la scie et aux ronflements du rabot. Une querelle s’était élevée entre le menuisier Dupont aîné et son voisin le portier Remacle à cause de la citoyenne Remacle, qu’un attrait invincible ramenait sans cesse au fond de la menuiserie d’où elle revenait à la loge couverte de copeaux et de sciure de bois. Le portier offensé donna un coup de pied à Mouton, le chien du menuisier, au moment même où sa propre fille, la petite Joséphine, tenait l’animal tendrement embrassé. Joséphine, indignée, se répandit en imprécations contre son père ; le menuisier s’écria d’une voix irritée :

— Misérable ! je te défends de battre mon chien.

— Et moi, répliqua le portier en levant son balai, je te défends de…