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Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/262

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LES DIEUX ONT SOIF

épars, et il souriait en voyant ainsi naître sous ses doigts le rythme et l’harmonie.

Au bruit des crosses sur le palier, le religieux tressaillit de tous ses membres, non qu’il eût moins de courage que Brotteaux qui demeurait impassible, mais le respect humain ne l’avait pas habitué à se composer un maintien. Brotteaux, aux questions du citoyen Delourmel, comprit d’où venait le coup et s’aperçut un peu tard qu’on a tort de se confier aux femmes. Invité à suivre le citoyen commissaire, il prit son Lucrèce et ses trois chemises.

— Le citoyen, dit-il, montrant le Père Longuemare, est un aide que j’ai pris pour fabriquer mes pantins. Il est domicilié ici.

Mais le religieux, n’ayant pu présenter un certificat de civisme, fut mis avec Brotteaux en état d’arrestation.

Quand le cortège passa devant la loge du concierge, la citoyenne Remacle, appuyée sur son balai, regarda son locataire de l’air de la vertu qui voit le crime aux mains de la loi. La petite Joséphine, dédaigneuse et belle, retint par son collier Mouton, qui voulait caresser l’ami qui lui avait donné du sucre. Une foule de curieux emplissait la place de Thionville.

Brotteaux, au pied de l’escalier, se rencontra avec une jeune paysanne qui se disposait à