son empire en emprisonnant chaque année quatre cent mille hommes, en en pendant quinze mille, en en rouant trois mille, et la République hésiterait encore à sacrifier quelques centaines de têtes à sa sûreté et à sa puissance ? Noyons-nous dans le sang et sauvons la patrie… »
Comme il songeait ainsi, Élodie accourut à lui pâle et défaite :
— Évariste, qu’as-tu à me dire ? Pourquoi ne pas venir à l’Amour peintre dans la chambre bleue ? Pourquoi m’as-tu fait venir ici ?
— Pour te dire un éternel adieu.
Elle murmura qu’il était insensé, qu’elle ne pouvait comprendre…
Il l’arrêta d’un très petit geste de la main :
— Élodie, je ne puis plus accepter ton amour.
— Tais-toi, Évariste, tais-toi !
Elle le pria d’aller plus loin : là, on les observait, on les écoutait.
Il fit une vingtaine de pas et poursuivit, très calme :
— J’ai fait à ma patrie le sacrifice de ma vie et de mon honneur. Je mourrai infâme, et n’aurai à te léguer, malheureuse, qu’une mémoire exécrée… Nous aimer ? Est-ce que l’on peut m’aimer encore ?… Est-ce que je puis aimer ?