Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/162

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les cortèges. Nous avions échangé toutes les injures politiques : « Calotin, vendu, faussaire, traître, assassin, sans-patrie ! » Ça lie, ça crée une sympathie. Et puis j’étais content de voir un socialiste, presque un libertaire, protéger Loubet, qui est plutôt un modéré dans son genre. Je me disais : « Il doit être agacé, le Président, d’être acclamé par Bissolo, un nain, avec une voix de tonnerre, qui dans les réunions publiques réclame la nationalisation du capital. Il aimerait mieux, ce bourgeois, être soutenu par un bourgeois comme moi. Mais il peut se fouiller. Panama ! Panama ! démission ! démission ! Vive l’armée ! À bas les juifs ! Vive le Roi ! » Tout cela fit que je reçus Bissolo avec courtoisie. Je n’aurais eu qu’à dire : « Tiens ! voilà Bissolo ! » pour le faire écharper immédiatement par mes douze camelots. Mais ce n’était pas utile. Je ne dis rien. Nous étions bien calmes, l’un à côté de l’autre, et nous regardions le défilé des