Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/165

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Mais ce n’est pas là le vrai malheur. Le vrai malheur, je vais vous le dire, c’est l’avachissement public.

» Ainsi parla le citoyen Bissolo avec une confiance qui nous honorait tous deux. Je promenai un regard sur la foule, et il est vrai qu’elle me sembla molle et sans énergie. De son épaisseur jaillissait de temps à autre, comme un pétard lancé par un enfant, un cri d’ « À bas Loubet ! À bas les voleurs ! à bas les juifs ! vive l’armée ! » ; il s’en dégageait une sympathie assez cordiale pour les bons sergots. Mais pas d’électricité, rien qui annonçât l’orage. Et le citoyen Bissolo poursuivit avec une mélancolie philosophique :

» — Le mal, le grand mal, c’est l’avachissement public. Nous, les républicains, nous les socialistes et les libertaires, nous en souffrons aujourd’hui. Vous, messieurs les monarchistes et les césariens, vous en souffrirez demain. Et vous saurez à votre