Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/178

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veau. Il s’écria que les juifs, les protestants, les francs-maçons, les libres-penseurs, les parlementaires, les républicains, les ministériels, il voudrait les fesser en place publique, leur administrer des lavements de vitriol. Il devint éloquent, fit entendre le langage dévot des Croix :

— Les juifs et les francs-maçons dévorent la France. Ils nous ruinent et nous mangent. Mais patience ! Attendez seulement le procès de Rennes, et vous verrez si nous n’allons pas les saigner, leur fumer les jambons, leur truffer la peau, leur accrocher la tête à la devanture des charcutiers !… Tout est prêt. Le mouvement éclatera simultanément à Rennes et à Paris. Les dreyfusards seront écrabouillés sur le pavé des rues. Loubet sera grillé dans l’Élysée flambant. Et ce ne sera pas trop tôt.

Madame de Bonmont concevait l’amour comme un abîme heureux. Elle ne croyait pas que ce fût assez pour un jour d’oublier