Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des juges et des jurés. Quand on leur soumit cette lettre mesurée que Zola écrivit à un Président de la République mal préparé à la lire, si les jurés de la Seine en condamnèrent l’auteur, c’est qu’ils délibéraient sous des cris inhumains, sous des menaces hideuses, dans un insupportable bruit de ferrailles, au milieu de tous les fantômes de Terreur et du mensonge. Je ne dispose pas d’un si farouche appareil. Il est donc très probable que mon diffamateur serait acquitté.

— Tu ne peux pourtant pas rester insensible aux outrages. Que comptes-tu faire ?

— Rien. Je me tiens pour satisfait. J’ai autant à me louer des injures de la presse que de ses éloges. La vérité a été servie dans les journaux par ses ennemis autant que par ses amis. Quand une petite poignée d’hommes dénoncèrent pour l’honneur de la France la condamnation frauduleuse d’un innocent, ils furent traités en ennemis par le gouvernement et par l’opinion. Ils parlè-