Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/27

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n’as plus aucun des génies qui remplissaient ta demeure, si tu as perdu jusqu’à ces petites divinités que tu chaussais, le matin, au sortir du lit, ces pantoufles que je mordillais en jouant, si tu es indigent et misérable, ô mon maître, que deviendrai-je ?

— Lucien, nous n’avons pas de temps à perdre, dit Zoé. Le train part à huit heures et nous n’avons pas encore dîné. Allons dîner à la gare.

— Demain, tu seras à Paris, dit M. Bergeret à Riquet. C’est une ville illustre et généreuse. Cette générosité, à vrai dire, n’est point répartie entre tous ses habitants. Elle se renferme, au contraire, dans un très petit nombre de citoyens. Mais toute une ville, toute une nation résident en quelques personnes qui pensent avec plus de force et de justesse que les autres. Le reste ne compte pas. Ce qu’on appelle le génie d’une race ne parvient à sa conscience que dans d’imper-