Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un idéal de beauté sensible au petit commerce.

Joseph Lacrisse ignorait absolument toutes les questions d’édilité et jusqu’aux attributions des Conseils municipaux. Cette ignorance le servait. Son éloquence en était tout affranchie et soulevée. Anselme Raimondin, au contraire, se perdait dans les détails. Il avait pris le pli des affaires, l’habitude de la discussion technique, le goût des chiffres, la manie du dossier. Et, bien qu’il connût son public, il se faisait quelque illusion sur l’intelligence des électeurs qui l’avaient nommé. Il leur gardait un peu de respect, n’osait risquer des bourdes trop grosses et entrait dans des explications. Aussi semblait-il froid, obscur, ennuyeux.

Ce n’était pas un innocent. Il avait le sens de ses intérêts et de la petite politique. Voyant depuis deux ans son quartier submergé par les journaux nationalistes, par les affiches nationalistes, par les brochures