Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/42

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rue étroite des Grands-Augustins qui a gardé sa figure de l’ancien régime et dont les pavés gras ne sèchent jamais. C’est dans une maison de cette rue, il leur en souvenait, qu’ils avaient passé six années de leur enfance. Leur père, professeur de l’Université, s’y était établi en 1856, après avoir mené, quatre ans, une existence errante et précaire, sous un ministre ennemi, qui le chassait de ville en ville. Et cet appartement où Zoé et Lucien avaient commencé de respirer le jour et de sentir le goût de la vie était présentement à louer, au témoignage de l’écriteau battu du vent.

Lorsqu’ils traversèrent l’allée qui passait sous un massif avant-corps, ils éprouvèrent un sentiment inexplicable de tristesse et de piété. Dans la cour humide se dressaient des murs que les brumes de la Seine et les pluies moisissaient lentement depuis la minorité de Louis XIV. Un appentis, qu’on trouvait à droite en entrant, servait de loge au