Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/96

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en chasser a, dans sa simplicité, des pensées admirables. Tu ne l’as pas écouté.

» Tes oreilles velues entendent non celui qui parle le mieux, mais celui qui crie le plus fort. Et la peur, la peur naturelle, qui fut la conseillère de tes ancêtres et des miens, à l’âge des cavernes, la peur qui fit les dieux et les crimes, te détourne des malheureux et t’ôte la pitié. Et tu ne veux pas être juste. Tu regardes comme une figure étrangère la face blanche de la Justice, divinité nouvelle, et tu rampes devant les vieux dieux, noirs comme toi, de la violence et de la peur. Tu admires la force brutale parce que tu crois qu’elle est la force souveraine, et que tu ne sais pas qu’elle se dévore elle-même. Tu ne sais pas que toutes les ferrailles tombent devant une idée juste.

» Tu ne sais pas que la force véritable est dans la sagesse et que les nations ne sont grandes que par elle. Tu ne sais pas que ce qui fait la gloire des peuples, ce ne sont pas les