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M. Leconte de Lisle à l’Académie française


Je ne connais pas, je ne dois pas connaître le discours que M. Leconte de Lisle prononcera jeudi prochain à l’Académie française. Mais j’imagine que ce sera une noble chose, une harangue grave, de style ample et hautain, un bloc d’esthétique éloquente. Je serais bien surpris s’il s’y trouvait des anecdotes, des digressions, des curiosités, des familiarités et si l’on y rencontrait la moindre négligence. On y contemplera le portrait idéal du poète ou plutôt le portrait du poète idéal. M. Victor Hugo y sera dignement et largement loué, avec une inflexibilité dogmatique qui rappellera ces vies des saints écrites en latin par les grands abbés du onzième siècle, dans un absolu mépris des choses temporelles et transitoires, et dans l’unique souci de l’orthodoxie, C’est que M. Leconte de Lisle est un prêtre de l’art, l’abbé crossé et mitré des monastères poétiques. Mieux que cela encore. N’est-ce pas M. Paul Bourget qui l’a appelé un pape en exil ?