Page:Anatole France - Nos enfants.djvu/25

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une plume à la queue ; il l’a perdue à la bataille, à moins qu’il n’ait eu affaire à quelque méchante fée du village. Fanchon le soupçonne d’avoir une mauvaise tête. Mais elle est fille, il ne lui déplaît pas que son pierrot ait mauvaise tête, pourvu qu’il ait bon cœur. Elle le caresse et lui donne de jolis noms. Tout à coup il grandit, il s’allonge ; ses ailes se changent en deux bras ; il devient un garçon et Fanchon reconnaît Antoine, le petit du jardinier, qui lui dit :

« Veux-tu nous en venir jouer ensemble, dis ? »

Elle frappe des mains, elle est joyeuse, elle va… Mais tout à coup elle se réveille, elle se frotte les yeux. Plus de moineau, plus d’Antoine ! Elle se voit seule dans sa petite chambre. L’aube, qui traverse les petits rideaux à fleurs, répand sur la couchette son innocente lumière. Elle entend les oiseaux qui chantent dans le jardin. Elle saute du lit tout en chemise ; elle ouvre la fenêtre et reconnaît, dans le jardin fleuri de roses, de géraniums et de liserons, ses petits mendiants, ses petits musiciens de la veille, qui, rangés sur la barrière du courtil, lui donnent l’aubade pour prix d’une miette de pain.