Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est plus la poussière d’autrefois. Le cavalier romain voit de nouvelles figures et de nouvelles mœurs. Il ne s’en attriste pas : il est de pierre.

Mais ce que j’aimais et connaissais le mieux, c’étaient les berges de la Seine ; ma vieille bonne Nanette m’y menait promener tous les jours. J’y retrouvais l’arche de Noé de ma Bible en estampes. Car je ne doutais guère que ce ne fût le bateau de la Samaritaine, avec son palmier d’où sortait merveilleusement une fumée mince et noire. Cela se concevait : comme il n’y avait plus de déluge, on avait fait de l’arche un établissement de bains.

Du côté du levant, j’avais visité le Jardin des Plantes et remonté la Seine jusqu’au pont d’Austerlitz. Là était la limite. Les plus hardis explorateurs de la nature finissent par trouver le point au delà duquel ils ne peuvent plus avancer. Il m’avait été impossible d’aller plus loin que le pont d’Austerlitz. Mes jambes étaient petites et celles de ma bonne Nanette étaient vieilles ; et malgré ma curiosité et la sienne, car nous aimions tous deux les belles promenades, il nous avait toujours fallu nous arrêter sur un banc, sous un arbre, en vue du pont, au regard d’une marchande de gâteaux de