Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/182

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chait point dans la plaine où fut Troie les armes des cinquante fils de Priam. On n’était point archéologue et on ne se cassait point la tête à découvrir comment vivaient les hommes d’autrefois. Ce souci est propre à notre siècle. Nous voulons montrer Hector en knémides et donner à tous les personnages de la légende et de l’histoire leur vrai caractère.

L’ambition, sans doute, est grande et généreuse. Je l’ai moi-même ressentie après les maîtres. Et aujourd’hui encore j’admire infiniment les talents puissants qui s’efforcent de ressusciter le passé dans la poésie et dans l’art. On pourrait se demander, toutefois, s’il est possible de réussir complètement dans une telle tentative et si notre connaissance du passé est suffisante à le faire renaître avec ses formes, sa couleur, sa vie propres. J’en doute. On dit que nous avons, au XIXe siècle, un sens historique très développé. Je le veux bien. Mais enfin, c’est notre sens à nous. Les hommes qui nous suivront n’auront pas ce sens-là ; ils en auront un meilleur ou un pire, je ne sais, et ce n’est pas là la question. Ce qui est certain, c’est qu’ils en auront un autre. Ils verront le passé autrement, et ils croiront infailliblement le voir