Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/265

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Ils sont tous quatre très ridicules et semblent jouer Zaïre devant la duchesse d’Angoulême. Je vous dirai tout à l’heure qui sont ces trois chevaliers et cette jeune musulmane. Qu’il vous suffise de savoir pour le moment qu’ils rapportèrent d’Égypte l’image miraculeuse qu’on vénère depuis lors dans l’église où nous sommes.

Il faut passer sous le jubé pour voir la petite Vierge de Liesse assise dans le chœur au-dessus de l’autel. C’est une Vierge noire. J’ai toujours eu beaucoup de goût et de curiosité pour les Vierges noires, qui sont toutes fort anciennes. Elles ont des manteaux en forme d’abat-jour. Elles sont évasées et courtes. Cela tient à ce qu’elles sont assises et qu’on les habille comme si elles étaient debout, et il y a là un mépris touchant de la forme humaine. Les Grecs avaient aussi leurs idoles noires. C’était, comme les nôtres, des statues de bois informes et prodigieuses. Ils en attribuaient l’origine à Dédale, et ils vénéraient ces rudes images noircies par le temps. Ils les couvraient aussi de voiles précieux. Les cultes se ressemblent plus qu’on ne croit. Si, par une opération magique, la vieille paysanne, que je vois ici mâchant des prières sous son capuchon de laine, était transportée