Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/277

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chés : l’art de tailler une image qui semble vivre et respirer ne s’acquiert que par de longues études. Le bois ne se laissait même pas entamer. Il faut dire que c’était le tronc d’un de ces arbres qui viennent du paradis terrestre et que le Nil apporte dans ses eaux jusqu’aux rives d’Égypte.

Les trois fils de Mme d’Eppes s’endormirent devant le bloc sans avoir pu seulement le dégrossir.

À leur réveil, ils furent bien surpris de voir que leur tâche était achevée, et que l’image de la Vierge brillait dans le cachot d’un éclat suave et merveilleux. Devant eux, Notre-Dame était assise sur un trône, tenant son enfant divin dans ses bras. Les trois fils de Mme d’Eppes n’avaient jamais vu, de Laon à Soissons, un si bel ouvrage de sculpture. Cette Vierge était taillée dans le bois apporté par la princesse Ismérie, et ce bois était noir pour exprimer les ténèbres épaisses qui enveloppaient encore l’âme de la fille du calife. Mais il était environné d’une lumière céleste, en signe que la lumière dissiperait ces ombres funestes. Et ceci est à méditer que ce bois, venant du séjour d’Ève, était noirci par le péché de la première femme, mais que la