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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/293

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passant sur nos têtes avec le vent de mer, effleure nos cheveux. Tout ce golfe informe qui s’étend de l’île d’Ouessant à l’île du Sein, et qu’on nomme l’Iroise, est la terreur des gens de mer. Les naufrages y sont ordinaires. Le Bec-du-Raz, fréquenté par tout le cabotage qui va de la Manche à l’Océan, est particulièrement dangereux à cause des brises changeantes qui viennent du large, des écueils invisibles, des courants qui tourbillonnent autour des rochers et des formidables ras de marée qui frappent la falaise. Les pêcheurs bretons chantent en traversant le chenal du Raz :

« Mon Dieu ! secourez-moi : ma barque est si petite et la mer est si grande ! »

Les cadavres des naufragés qui ont péri dans l’Iroise sont amenés par le courant dans la baie des Trépassés. Est-ce pour sa fidélité à déposer les restes humains sur son sable blanc comme une poussière d’os que la baie hospitalière aux morts a reçu son nom funèbre ? Suivant une tradition, ces prêtres gaulois qui furent plutôt des moines, les druides, étaient embarqués après leur mort sur cette côte pour être ensevelis dans l’île de Sein. Et d’autres traditions, recueillies par le poète Brizeux, font de ce golfe