Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/310

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du Menec ; vous apercevez plus à droite ceux de Kermario. Un pli de terrain vous cache de ce côté les pierres de Kerlescan. Deux mille de ces géants informes sont encore ou debout ou couchés à leur rang. On croit qu’il y en avait autrefois plus de dix mille.

Quels bras les ont plantés dans la lande ? On ne sait. On ignore leur âge et leur destination. Ils semblent, dans leur majesté grossière, garder le muet souvenir de races depuis longtemps éteintes, et ils ont je ne sais quoi de funèbre, qui fait songer à des hommes très rudes, à des chefs de tribus sauvages qui dorment sous leur poids énorme. Pourtant, en fouillant la terre sous ces menhirs, on n’y a rien trouvé qui révélât des sépultures.

M. de Mortillet croit que ces alignements sont les archives d’un peuple qui vivait sur cette terre avant la venue des tribus celtiques et qui plantait une pierre en commémoration de chaque fait dont il voulait garder le souvenir ; en sorte que la lande de Carnac serait un livre où ces hommes écrivaient en quartiers de rocs les guerres, les alliances, les grandes chasses, les navigations sur des troncs d’arbres creusés, et les généalogies des chefs.