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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/318

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nant certaines pratiques pieuses et quelques dons au saint ou à la sainte. Dans leur seigneurie, les saints de Bretagne ont gardé la simplicité rustique. Ils acceptent des dons en nature. Encore faut-il leur payer la redevance selon l’usage et la coutume. Notre-Dame de Relec ne veut que des poules blanches. Sainte Anne, sa mère, n’a point cette délicatesse : elle reçoit tous les présents, et sa couronne est faite des joyaux des dames de Lorient et de Quimper.

Il y a une petite lieue de la gare à Sainte-Anne. Le chemin qui, à travers la lande, conduit au village, était, quand nous le prîmes, couvert de pèlerins. Les coiffes blanches des paysannes brillaient au soleil, comme des ailes d’oiseaux de mer. Les hommes en veste brune, et coiffés du large chapeau d’où pend un ruban noir, allaient en silence, appuyés sur leur bâton de cornouiller. Et tout le long du chemin s’étendait une double haie de mendiants.

Les uns, vieillards aveugles, blancs et chevelus, la main posée sur la tête d’un enfant, semblaient, dans leur majesté lamentable, les derniers bardes. Plus avant, une femme élevait en gémissant, sur le ciel bleu qui couvrait la lande, un bras si mutilé, si dépouillé de chair,