Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/322

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L’église de Sainte-Anne est toute neuve et d’une richesse que le temps n’a pas encore éteinte. M. de Perthes, l’architecte, est peut-être un habile homme. Mais le temps a seul le secret des profondes harmonies. La place sur laquelle elle s’élève est bordée de petites boutiques où les femmes vont acheter des médailles, des chapelets, des cierges, des livres de cantiques en breton et en français, et des images d’Épinal.

Je n’ai pas vu passer la procession. Je ne sais si elle a gardé le caractère de foi naïve qu’elle avait jadis. J’ai aperçu les bannières ; elles m’ont paru trop neuves et trop belles.

Autrefois, on voyait dans cette procession des marins portant les débris du navire sur lequel ils avaient été sauvés du naufrage, des convalescents traînant le linceul préparé pour eux et maintenant inutile, des hommes échappés à l’incendie et tenant à la main la corde ou l’échelle de leur salut. On y remarquait surtout les matelots d’Arzon. C’étaient les descendants des quarante-deux marins qui, dans la guerre de Hollande, en 1673, se vouèrent à sainte Anne et furent préservés des canons de Ruyter. Précédés de la croix d’argent de leur paroisse, ils marchaient, soutenant de leurs épaules le mo-