Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/56

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ans, d’interroger sa conscience. Elle reste candide entre la faute commise et le châtiment préparé. La nourrice la met en pénitence, non dans le cabinet noir, mais sous un grand marronnier, à l’ombre d’un vaste parasol chinois. Là, Mlle  Marie pensive, surprise, étonnée, est assise et songe. Sa fleur à la main, elle a l’air, sous l’ombrelle qui rayonne autour d’elle, d’une petite idole étrange.

La nourrice a dit : « Maintenant, mademoiselle, donnez-moi cette fleur. » Mais Mlle  Marie a serré dans son petit poing la tige fleurie et ses joues ont rougi et son front s’est gonflé comme si elle allait pleurer. Et la nourrice n’a pas voulu causer des larmes. Elle a dit : « Je vous défends de porter cette fleur à votre bouche. Si vous désobéissez, mademoiselle, votre petit chien Toto vous mangera les oreilles. »

Ayant ainsi parlé, elle s’éloigne. La jeune pénitente, immobile sous son dais éclatant, regarde autour d’elle, et voit le ciel et la terre. C’est grand, le ciel et la terre, et cela peut amuser quelque temps une petite fille. Mais sa fleur d’hortensia l’occupe plus que tout le reste. C’est une belle fleur et c’est une fleur défendue. Voilà deux raisons pour s’y plaire. Mlle  Marie