Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/60

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parures séantes, et que les belles dames qui mettent des bouquets à leur corsage en paraissent plus jolies. Aussi songe-t-elle qu’elle doit être bien brave en ce moment, puisqu’elle porte un bouquet plus gros que sa tête. Elle est contente d’être brave et ses idées sont brillantes et parfumées comme ses fleurs. Ce sont des idées qui ne s’expriment point par la parole : la parole n’a rien d’assez joli pour exprimer les idées de bonheur d’une petite fille. Il y faut des airs de chanson, les airs les plus vifs et les plus doux, les chansons les plus gentilles, comme Giroflé-Girofla ou Les Compagnons de la Marjolaine. Aussi Catherine chante, en cueillant son bouquet : « J’irai au bois seulette », et elle chante aussi : « Mon cœur je lui donnerai, mon cœur je lui donnerai. »

Le petit Jean est d’un autre caractère. Il suit d’autres pensées. C’est un franc luron ; il ne porte point encore la culotte, mais son esprit a devancé son âge, et il n’y a point d’esprit plus gaillard que celui-là. Tandis qu’il s’attache d’une main au tablier de sa sœur, de peur de tomber, il agite son fouet de l’autre main avec la vigueur d’un robuste garçon. C’est à peine si le premier valet de son père fait mieux cla-