Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/119

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chichement qu’il m’est possible. Si votre plaisir est de m’envoyer quelque lettre de change, j’espère n’en user qu’à votre service et n’en être ingrat au reste. Je vois en cette ville mille petites mirolifiques à bon marché qu’on apporte de Chypre, de Candie et de Constantinople. Si bon vous semble, je vous enverrai ce que je verrai le mieux convenable tant à vous qu’à ma dite dame d’Estissac. Le port, d’ici à Lyon, ne coûtera rien. »

Maître François, hâtons-nous de le dire, en donnait à monseigneur d’Estissac pour son argent largement. Je ne parle pas des petites mirolifiques qui devaient ressembler beaucoup aux chapelets d’ambre, aux plateaux de cuivre, aux tissus bariolés et aux broderies de nos bazars orientaux, ni des graines, salades et légumes de Naples, mais l’évêque de Maillezais le chargeait des affaires les plus considérables qu’il avait en cour de Rome, et Rabelais s’en acquittait avec adresse. C’est un des plus anciens biographes de notre auteur, Colletet, qui l’affirme. Enfin, il donnait à son correspondant des nouvelles de Rome et de toute la chrétienté, ce qui était précieux à une époque où l’on ne pouvait guère être instruit des affaires publiques que par des lettres privées. Or, des événements considérables s’accomplissaient alors dans la chrétienté, et Rabelais, sans être en état de démêler les intrigues qui s’ourdissaient en Italie, était assez bien instruit des faits