Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/193

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Demain, tant que vous voudrez. Holos ! holos ! nous sommes au fond. Il m’est entré dans la bouche plus de dix-huit seaux d’eau. Bous, bous, bous. Qu’elle est amère et salée !

— Par la vertu bleu, dit Frère Jean, si je t’entends encore piauler, je régalerai de toi le loup marin… Tenez bien là-haut ! Voilà qui est bien éclairé, bien tonné. Je crois que tous les diables sont déchaînés aujourd’hui ou que Proserpine va donner un héritier à son mari. Tous les diables dansent aux sonnettes.

— Vous péchez, Frère Jean, dit Panurge. Il me fâche de vous le dire. Je crois que cela vous fait du bien de jurer ainsi… Toutefois, vous péchez…

Et il continue à se lamenter :

— Je ne vois ni ciel ni terre. Ah ! si j’étais maintenant dans le clos de Seuillé ou chez Innocent le pâtissier à Chinon, sous peine de me mettre en pourpoint pour cuire les petits pâtés…

La tempête apaisée et le navire près d’entrer dans un port, Panurge retrouve tout son courage et toute son assurance :

— Ha ! Ha ! s’écrie-t-il, tout va bien, l’orage est passé. Faut-il vous aider encore ?

Rabelais est un grand comique. Il n’a d’égaux qu’Aristophane, Molière et Cervantès. Sa tempête est une grande scène de comédie humaine qui se termine par un trait à jamais admirable. Quant à la description de la mer et du ciel, elle