Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme Pantagruel, sachant par cœur les beaux textes du droit romain, les conféraient avec philosophie. N’espéraient-ils pas (et non sans raison) retrouver dans ces vieux textes des règles droites et des lois justes ? Près d’eux, Rabelais devint lui-même assez bon légiste et grand admirateur de Papinien.

Pierre Lamy était en correspondance avec l’illustre annotateur des Pandectes, qui, mieux que personne en France, savait le grec et le latin et qui conciliait avec ses doctes études les hautes fonctions de secrétaire du roi, Guillaume Budé. Ce grand homme écrivait au religieux de Fontenay des lettres très érudites, en grec et en latin ; et, dans chaque lettre, il mettait un mot pour le jeune Rabelais : « Saluez de ma part votre frère en religion et en science… Adieu et saluez quatre fois en mon nom le gentil et savant Rabelais ou de vive voix, s’il est près de vous, ou par écrit, s’il est absent. »

Le gentil et savant Rabelais aspirait à l’honneur de recevoir aussi une lettre du grand homme. Pierre Lamy promit de la lui obtenir ; mais, pendant assez longtemps, ses soins demeurèrent sans effet. Frère François, ne recevant rien, dénonça plaisamment son compagnon à Guillaume Budé comme s’étant targué d’un crédit imaginaire. Budé entra dans la plaisanterie qui, toute surchargée de droit romain, n’était pas des plus légères. Ces géants de l’érudition jouaient avec