Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/223

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Ô toi, quiconque sois, qui passes,
Sur sa fosse répands des tasses,
Répands du bril et des flacons,
Des cervelas et des jambons.

Notre délicatesse moderne, au premier abord, trouve volontiers ces vers injurieux, et nous ne nous serions pas attendu à ce que le prince des poètes parlât ainsi du maître incomparable ; mais, à y prendre garde, cette épitaphe est imitée de quelques petits poèmes de l’anthologie grecque, consacrés à la mémoire d’Anacréon. Et cela, dans la pensée d’un Ronsard, est un honneur pour Rabelais.

Un autre poète de la Pléiade, Baïf, composa pour Rabelais une épigramme funéraire qui n’est pas sans grâce :

Ô Pluton, Rabelais reçoi,
Afin que toi qui es le roi
De ceux qui ne rient jamais
Tu ais un rieur désormais.

Mais nous citerons avec plus de plaisir une fort belle épitaphe en vers latins que Pierre Boulanger, qui était médecin et avait connu Rabelais, composa en l’honneur de l’auteur de Pantagruel. En voici la traduction littérale :

« Sous cette pierre est couché le plus excellent des rieurs. Quel homme il fut, nos descendants le chercheront ; car tous ceux qui ont vécu de son temps savaient bien quel était ce rieur ; tous le connaissaient, et, plus que personne, il était cher