Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/229

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Sonnante, où l’on entend perpétuellement les cloches. Rabelais ne pouvait souffrir le son des cloches et la peinture, assez sombre, de cette contrée paraît bien être de lui. L’île est habitée par des oiseaux en cages, lesquels sont d’Église, comme l’indiquent leurs noms, clergaux, monagaux, prêtregaux, abbegaux, évesgaux, cardingaux et papegaut, qui est unique en son espèce, clergesses, monagesses, prêtregesses, abbegesses, évesgesses, cardingesses, papegesses. Ces oiseaux ne sont point natifs de l’île ; ils viennent du dehors. Plusieurs y sont envoyés tout jeunes par leurs mères qui ne pouvaient les souffrir à la maison. Le plus grand nombre en vient de Jour sans pain, qui est excessivement long. Ce qui revient à dire que l’égoïsme cruel des parents et la pauvreté des familles nombreuses peuplent les couvents.

C’est dans cette île que Panurge conte l’apologue du Roussin et de l’Âne. Il est digne de Rabelais. Je ne puis que renvoyer au texte ceux d’entre vous qui ne craignent point les libertés du vieux langage.

Les voyageurs arrivent ensuite à l’île des Ferrements. Les arbres y portent, au lieu de fruits, des outils et des armes, pioches, serfouettes, faux, faucilles, bêches, truelles, cognées, serpes, scies, doloires, ciseaux, tenailles, dagues, poignards. Quand on veut se procurer un outil ou une arme, on secoue l’arbre et ces fruits de fer, en tombant, s’adaptent aux manches et aux fourreaux