Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/243

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Ainsi parla Bacbuc.

— Il n’est pas possible, dit Pantagruel, de mieux dire que ne fait cette vénérable prêtresse. Trinque donc.

— Trinquons, dit Panurge.

Qu’est-ce que ce vin puisé à la fontaine sainte et qui donne à l’esprit force et puissance ? L’auteur ne le dit pas ; mais il le laisse deviner : ce n’est pas le jus de la vigne, au sens propre et littéral, c’est la science qui, dans une âme droite, enseigne les véritables devoirs et donne le bonheur, autant du moins qu’on le peut trouver en ce monde. Il ne s’agit plus de savoir si Panurge se mariera et sera trompé par sa femme. Le bon Pantagruel et sa docte compagnie n’ont pas fait un si long voyage pour deviner une énigme qui, après tout, n’intéresse que Panurge lui-même. C’est sur le sort de l’humanité tout entière que les Pantagruélistes sont allés consulter l’oracle de la Dive Bouteille et l’oracle leur a répondu : trinque, abreuvez-vous aux sources de la connaissance. Connaître pour aimer, c’est le secret de la vie. Fuyez les hypocrites, les ignorants, les méchants ; affranchissez-vous des vaines terreurs ; étudiez l’homme et l’univers ; connaissez les lois du monde physique et moral, afin de vous y soumettre et de ne vous soumettre qu’à elles ; buvez, buvez la science ; buvez la vérité ; buvez l’amour.