Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/247

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la reine », « Poison pour faire mourir M. le Duc d’Orléans, » Puis il laissa les sachets bien apparents dans la chambre. L’hôtesse les y découvrit et, tout effrayée, alla trouver le lieutenant criminel qui expédia immédiatement à Paris l’homme aux sachets, lequel, amené devant le roi, le fit beaucoup rire au récit de son expédient.

Il est singulier qu’un tel conte ait paru croyable.

Enfin, on donnait autrefois comme authentiques les propos que Rabelais mourant aurait tenus au page envoyé par le cardinal du Bellay pour s’enquérir de la santé du malade : « Dis à mon seigneur l’état où tu me vois. Je m’en vais chercher un grand peut-être. Il est au nid de la pie. Dis-lui qu’il s’y tienne. Tirez le rideau, la farce est jouée. » Cela est beaucoup plus littéraire que le reste et imité en partie de Suétone. Mais cela est tout aussi faux.

Rabelais fut populaire seulement par les trois ou quatre historiettes que je viens de rapporter. Jamais ses écrits ne pénétrèrent dans les foules ignorantes, et, chose à peine croyable et pourtant bien vraie l’imagerie populaire et la bibliothèque bleue qui répandent dans les campagnes de France le portrait et la vie de Gargantua n’en présentent aucun trait emprunté à notre auteur. Elles s’inspirent des récits populaires antérieurs à ceux de Rabelais. Panurge et Frère Jean leur sont inconnus. Quoi qu’on en ait dit, le Pantagruel