Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/28

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lois par lesquelles le fameux André a enseigné à ses Gaulois l’union conjugale et la gloire du mariage, si Platon nous les avait apprises, y aurait-il parmi les hommes quelqu’un de plus illustre que Platon ? »

L’ouvrage célébré de la sorte n’est qu’une indigeste compilation, un recueil de textes assemblés sans art ni critique. Tiraqueau plus grand que Platon !… La louange démesurée et vaine se perd dans son immensité même. Le tort en est moins à Rabelais qu’à l’esprit d’un temps où l’on ne gardait nulle mesure dans l’éloge comme dans l’invective.

Après ce que nous venons de voir, on ne peut pas dire que la règle de Fontenay fût très sévère ni que les religieux y vécussent séparés du monde. Mais le Chapitre et la plupart des moines voyaient d’un mauvais œil les trois ou quatre hellénistes de la communauté. Ils craignaient que la science ne perdît les âmes et particulièrement la science du grec. Cette crainte ne leur était pas particulière ; on l’avait dans tous les couvents. On y croyait que le grec rendait hérétique. À Fontenay, un frère Arthus Coultant, entre autres religieux, se montrait très contraire aux hellénisants, si l’on en juge par le ressentiment qu’il inspira à Rabelais, dont c’était la bête noire. Espion et calomniateur, il rendait aux moines studieux tous les mauvais offices. C’est ce que notre auteur donne à entendre en l’appelant, dans son indigna-