Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/37

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l’intitule lui-même : « La morale comédie de celui qui avait épousé une femme muette », et nous en donne un résumé très suffisant pour en connaître l’action. La femme était muette. Son bon mari voulait qu’elle parlât. Elle parla par l’art du médecin et du chirurgien qui lui coupèrent le filet. Dès qu’elle eut recouvré la parole, elle parla tant et tant que son mari excédé retourna au médecin pour lui demander de remédier à ce mal et de la faire taire.

J’ai bien en mon art, répondit le médecin, des remèdes propres à faire parler les femmes. Je n’en ai pas pour les faire taire. Le remède unique contre bavardage de femme est surdité du mari.

Le pauvre mari accepta ce remède, puisqu’il n’y en avait point d’autre. Les médecins, par on ne sait quel charme qu’ils firent, le rendirent sourd. La femme, voyant qu’il n’entendait mot, et qu’elle parlait en vain, de dépit de ne pouvoir se faire entendre devint enragée. Le médecin réclama son salaire. Le mari répondit qu’il n’entendait pas sa demande. Le médecin lui jette au dos une poudre par la vertu de laquelle il devient fou. Le mari fou et la femme enragée se mirent d’accord pour battre le médecin et le chirurgien qui restèrent demi-morts sur le carreau. Ainsi finit la comédie. Rabelais dit qu’il ne rit jamais plus qu’à ce patelinage. Nous n’en sommes pas surpris. Il aimait les farces et celle-ci est excellente. Et,