Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/56

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Ponocrates qui était un excellent éducateur commença par faire oublier à son élève tout ce que les vieux sorbonnistes Thubal Holopherne et Jobelin Bridé lui avaient appris. Il lui donna pour cela de l’ellébore. Puis il le mit en un train d’études tel que pas une heure du jour n’était perdue. Gargantua s’éveillait à quatre heures du matin. Pendant qu’on le frictionnait, un jeune page lui lisait un passage de l’Écriture Sainte. Tandis qu’il vaquait à sa toilette, son précepteur expliquait les points obscurs et difficiles des précédentes lectures. Ensuite, ils allaient examiner l’état du ciel, la position du soleil et de la lune. Gargantua se laissait habiller, peigner, accoutrer, parfumer en récapitulant les leçons de la veille, non sans en déduire des conséquences pratiques. Il se trouvait ainsi tout habillé et entendait des lectures pendant trois heures. Après quoi, nos élèves allaient jouer à la paume, à la balle, laissant la partie quand il leur plaisait, ou lorsqu’ils commençaient à transpirer abondamment. Bien essuyés, ils récitaient quelques endroits de la leçon du jour en attendant le dîner.

Au commencement du repas, ils entendaient lire quelque roman de chevalerie. Parfois, la lecture se prolongeait après que le vin eût été servi ; parfois les convives devisaient joyeusement entre eux ; cette joie même était profitable, car ils devisaient des propriétés et vertus de tout ce qui leur était servi à table, du pain, du vin, de