Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/61

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prendre un moment, sauf à comprendre plus tard. Son élève l’a cru sur parole, il ne s’est pas donné la peine de comprendre ce qu’on ne daignait pas lui expliquer ; son intelligence est restée dans les langes et ne s’est jamais développée.

» Fénelon, au contraire, commence par se mettre à la taille de son élève ; il lui compose des fables pour l’amuser en l’instruisant, des fables nées pour la plupart d’une circonstance de la vie du jeune prince. Pour lui apprendre l’histoire, il ne commence pas par lui mettre entre les mains un livre aride et systématique ; il cause avec lui sur les grands hommes et quelquefois, dans ses Dialogues des morts, par exemple, il le fait assister aux conversations qu’ils ont entre eux. L’esprit de l’enfant s’épanouit sous cette influence bienfaisante ; dans cette atmosphère de patience et d’amour, le jeune prince grandit par l’intelligence ; il se transforme moralement, et, s’il lui eût été donné de régner, il fût devenu un souverain remarquable, moins brillant peut-être, mais plus sensé que Louis XIV. Le dauphin, sur le trône, eût été inférieur à Louis XV.

» Bossuet a mieux réussi que maître Jobelin. Fénelon n’a pas aussi bien réussi que Ponocrates, mais enfin les deux systèmes se sont trouvés en présence. Ils ont été pratiqués par des hommes également éminents et ils ont produit en petit les résultats annoncés par l’auteur de Gargantua. » (Fleury, I, pp. 188 et suivantes.)