Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/70

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et subjuguèrent l’Écosse, l’Angleterre et l’Irlande. De là, naviguant par la mer fabuleuse et par les Sarmates, ils ont vaincu et dompté Prusse, Pologne, Lithuanie, Russie, Valachie, Transylvanie, Hongrie, Bulgarie, Turquie et sont à Constantinople.

— Allons nous joindre à eux au plus tôt, dit Picrochole, car je veux être aussi empereur de Trébizonde.

— Ne tuerons-nous pas tous ces chiens de Turcs et de Mahométans ? demandèrent-ils. Vous donnerez leurs biens et terres à ceux qui vous auront servi honnêtement.

— La raison le veut, dit-il, c’est équité. Je vous donne la Carmaigne, la Syrie et toute la Palestine.

— Ah ! sire ! dirent-ils, c’est bien à vous. Grand merci ! Dieu vous fasse toujours prospérer.

À ce conseil était présent un vieux gentilhomme, éprouvé en divers hasards et vrai routier de guerre, nommé Echephron, qui, entendant ces propos, dit :

— J’ai grand’peur que toute cette entreprise ne soit semblable à la farce du pot au lait, dont un cordonnier se faisait riche par rêverie. Puis, le pot cassé, il n’eut de quoi dîner. Que prétendez-vous par ces belles conquêtes ? Quelle sera la fin de tant de travaux et de traverses ?

— Ce sera, dit Picrochole, que, au retour, nous nous reposerons à notre aise.

— Mais, répliqua Echephron, si, d’aventure,