Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/79

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antiques. À Saintes, il admira vivement, ce semble, l’amphithéâtre romain. Son abbaye de Thélème garde toutefois un air assez gothique avec les six tours dont elle est flanquée. Elle est si exactement décrite dans sa structure et ses proportions qu’on a pu tenter d’en tracer le plan. Cet essai a été fait deux fois, d’abord vers 1840 par François Lenormant, puis, tout récemment, par M. Arthur Heulhard. Ces deux archéologues ont obtenu des plans, des coupes et des élévations qui certes ne sont point identiques, mais qui offrent entre elles d’assez grandes ressemblances. Ce résultat prouve que Rabelais est un écrivain exact et précis, qui décrit les objets dans la perfection. Nous pouvons donc, en le lisant, nous figurer assez bien l’Abbaye de Thélème. C’est un bel édifice dans le goût de la première renaissance française. Les trois Grâces s’y montrent sur une fontaine au milieu de la cour. On lit ces mots à l’entrée : Fais ce que voudras. Dans cette abbaye, qui est celle de ses rêves, Frère François, dont l’esprit répugnait à toute contrainte, prend le contre-pied des règles ordinaires de la vie monastique et dispose tout à rebours de ce qu’il avait observé et éprouvé à Fontenay. Les femmes sont admises à Thélème dans la compagnie des hommes. On y est libre, galant et riche. Ce sont trois grands points. Les deux premiers dépendent de l’humeur des thélémites. Le troisième est uniquement assuré par la munificence de Grandgousier. Ce