Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sergents et contre le guet. S’il voyait un homme et une femme assis côte à côte à l’église, il les cousait ensemble. Il cousit un jour la chasuble d’un prêtre à sa chemise, en sorte que, après l’office, le célébrant ôta l’une avec l’autre, au grand scandale des assistants. On plaçait alors dans les églises de ces grands bassins en cuivre à godrons ou bien à figures, représentant soit Adam et Ève, soit le raisin de Chanaan, et que, aujourd’hui, les amateurs d’antiquités connaissent bien. Les fidèles qui sous le pontificat de Léon X achetaient des indulgences (on sait que Rome en vendait beaucoup alors) mettaient leur offrande dans le bassin. Panurge, quand il était à court d’argent, achetait des indulgences. C’était tout profit pour lui, car, tandis qu’il mettait une petite pièce dans le plat, il en tirait une grosse.

— Vous vous damnez comme un serpent, lui disait Rabelais (car c’est Rabelais en personne qui intervient en son livre, dans cette affaire d’indulgences) ; vous êtes larron et sacrilège.

Mais Panurge, alléguant la parole divine ; « Vous recevrez au centuple ce que vous donnez », se flattait, au contraire, de sa conformité avec l’Évangile. Il n’avait pas, en cette industrie, le mérite de l’invention, car on lit dans un colloque d’Érasme : « Il y a des gens si dévots à la Vierge qu’en feignant de mettre à l’offrande ils escamotent adroitement ce qu’un autre a mis. »

Panurge, comme Pantagruel, disputa en