Aller au contenu

Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Morin hésita un moment. Puis il reprit d’une voix plus lente :

— Si notre civilisation était menacée, ce ne serait pas par ses ennemis du dehors. Ce serait par ses ennemis du dedans.

— Il y en a donc ?

— Il y a les anarchistes. Ils sont nombreux, ardents, intelligents. Nos chimistes, nos professeurs de sciences et de lettres sont presque tous anarchistes. Ils attribuent à la réglementation du travail et des produits la plupart des maux qui affligent encore la société. Ils prétendent que l’humanité ne sera heureuse que dans l’état d’harmonie spontanée qui naîtra de la destruction totale de la civilisation. Ils sont dangereux. Ils le seraient davantage si nous les réprimions. Mais nous n’en avons ni l’envie ni les moyens. Nous n’avons aucun pouvoir de contrainte ou de répression, et nous en trouvons bien. Dans les âges barbares, les hommes se faisaient de grandes