Page:Anatole France - Thaïs.djvu/103

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Un jour que, frappée plus rudement que de coutume, elle se tenait accroupie devant la porte, dans une immobilité farouche, une vieille femme s’arrêta devant elle, la considéra quelques instants en silence, puis s’écria :

— Ô la jolie fleur, la belle enfant ! Heureux le père qui t’engendra et la mère qui te mit au monde !

Thaïs restait muette et tenait ses regards fixés vers la terre. Ses paupières étaient rouges et l’on voyait qu’elle avait pleuré.

— Ma violette blanche, reprit la vieille, ta mère n’est-elle pas heureuse d’avoir nourri une petite déesse telle que toi, et ton père, en te voyant, ne se réjouit-il pas dans le fond de son cœur ?

Alors l’enfant, comme se parlant à elle-même :

— Mon père est une outre gonflée de vin et ma mère une sangsue avide.

La vieille regarda à droite et à gauche si on ne la voyait pas. Puis d’une voix caressante :

— Douce hyacinthe fleurie, belle buveuse de lumière, viens avec moi et tu n’auras, pour vivre, qu’à danser et à sourire. Je te nourrirai