Page:Anatole France - Thaïs.djvu/114

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de son enfance s’éloignaient d’elle, elle les rappelait dans son esprit plus volontiers. Elle aimait à parcourir, le soir, sous un déguisement, les ruelles, les chemins de ronde, les places publiques où elle avait misérablement grandi. Elle regrettait d’avoir perdu ses parents et surtout de n’avoir pu les aimer. Quand elle rencontrait des prêtres chrétiens, elle songeait à son baptême et se sentait troublée. Une nuit, qu’enveloppée d’un long manteau et ses blonds cheveux cachés sous un capuchon sombre, elle errait dans les faubourgs de la ville, elle se trouva, sans savoir comment elle y était venue, devant la pauvre église de Saint-Jean-le-Baptiste. Elle entendit qu’on chantait dans l’intérieur et vit une lumière éclatante qui glissait par les fentes de la porte. Il n’y avait là rien d’étrange, puisque depuis vingt ans les chrétiens, protégés par le vainqueur de Maxence, solennisaient publiquement leurs fêtes. Mais ces chants signifiaient un ardent appel aux âmes. Comme conviée aux mystères, la comédienne, poussant du bras la porte, entra dans la maison. Elle trouva là une nombreuse assemblée, des femmes, des enfants,