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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/118

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D’autres encore, immobiles et divinement nues, pour mieux inspirer la volupté, n’exprimaient aucune pensée. Enfin, il y en avait deux qui se tenaient par la main, deux si pareilles, qu’il était impossible de les distinguer l’une de l’autre. Elles souriaient toutes deux. La première disait : « Je suis l’amour. » L’autre : « Je suis la mort. »

En parlant ainsi, il pressait Thaïs dans ses bras, et, ne voyant pas le regard farouche qu’elle fixait à terre, il ajoutait les pensées aux pensées, sans souci qu’elles fussent perdues :

— Oui, quand j’avais sous les yeux la ligne où il est écrit : « Rien ne doit te détourner de cultiver ton âme, » je lisais : « Les baisers de Thaïs sont plus ardents que la flamme et plus doux que le miel. » Voilà comment, par ta faute, méchante enfant, un philosophe comprend aujourd’hui les livres des philosophes. Il est vrai que, tous tant que nous sommes, nous ne découvrons que notre propre pensée dans la pensée d’autrui, et que tous nous lisons un peu les livres comme je viens de lire celui-ci…

Elle ne l’écoutait pas, et son âme était encore devant le tombeau du Nubien. Comme il